Thomas MANN (1875 1955)

S'il est un écrivain qu'on peut qualifier d'européen, c'est bien lui. Les auteurs qui ont influencé son oeuvre viennent d'horizons divers: Nietzsche, Novalis et Wagner, Schiller et Freud, Maupassant et Tchekhov, entre autres. Souvent, on ne connaît de lui que le film de Visconti inspiré de son oeuvre, Mort à Venise, alors qu'une multiplicité de thèmes traverse ses livres. On ne peut évidemment dans le cadre de cet article, les évoquer tous. Je souhaiterais aborder ses réflexions sur son temps. Sombres temps comme le disait Bertolt Brecht. Sans vouloir faire des amalgames rapides, notre temps, pour d'autres raisons, est aussi confronté à des questions cruciales telles que l'avenir de la démocratie, la citoyenneté, que faire de l'humanisme.

Dans Les exigences du jour, chez Grasset, sont réunis des textes nous donnant les réponses d'un humaniste face aux totalitarismes. Thomas Mann s'oblige dans ces textes à regarder les tréfonds de l'Allemagne, à scruter ses dérives. Il montre comment les élites ont abdiqué devant la bête immonde par peur d'un monde qui changeait, par refus d'accepter les faits. Dans son journal, Allemagne ma souffrance on découvre l'assentiment des autorités universitaires au principe du führer, du guide. Le recteur de l'université de Munich proclame : " L'Allemagne serait amenée à guider l’Europe parce qu'elle a un plasma moins différencié que d'autres peuples vieillis ". A la suite de Thomas Mann, on ne peut qu'être affligé par cette manière de faire chorus avec Hitler. Tous ses textes, dans ce livre, peuvent nous éclairer, et ce de l'intérieur, sur la résistance d'un homme au nazisme et sur sa doctrine. Il redonne avec beaucoup d'autres la dignité de la pensée qui ne s'avilit pas dans l'adhésion à la propagande, qui devient substitut de pensée. On ne peut s'empêcher de citer une autre phrase de Mann: " Le Maréchal Göring est l'incarnation la très volumineuse incarnation de cette puissance complexe faite d'aristocratie terrienne, de militarisme et d'industrie, un grotesque mélange du miles gloriosus constellé de décorations et gros actionnaire. "

Ainsi, la lecture de cette œuvre peut rendre plus vivante la compréhension d'une époque que nos élèves étudient. Nous pourrons leur montrer une pensée vivante installée dans la résistance. Quand on voit aujourd'hui, certains hommes politiques s'agiter, utiliser les effets de manches pour expliquer le monde, Thomas Mann peut nous aider à décrypter ces discours et leurs dangers.

Guy Lehner

NB : Il serait intéressant de comparer ce livre avec celui de Stefan Zweig Le Monde d'hier qui, déjà par son titre, n'a su que tirer un constat de la défaite de l'humanisme et annonce la désespérance dans laquelle son auteur a sombré.

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